Dantec

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Dantec est né sous un faux nom au milieu du siècle dernier entre Bourgogne viticole et Morvan autunois.

Éreinté par des études de lettres supérieurement secondaires il s’offre cinq ans de flânerie du Mâconnais à la Bretagne, de la sellerie d’art à la course au large, pour se fixer à Pont-Aven puis à Morlaix où il meuble son oisiveté en créant puis dirigeant une agence de pub et une maison d’édition associative, tout en livrant sous son nom propre affiches, illustrations, maquettes de broderies traditionnelles. À temps perdu, il bâtit un « penty » âprement granitique pour sa compagne…

De 1983 à 1987 il replonge dans l’eau salée et ne remet guère les pieds au nord du 36ème parallèle.

Fin 87, première exposition signée Dantec, qui découvre l’inavouable vice du travail : 50 à 60 dessins, 6 à 8 expos européennes et 3 salons au moins par an ! Il glane prix et distinctions, du salon de Lyon à celui de La Rochelle, de la biennale de Courbevoie au festival d’Osaka. Il commet l’iconographie du château-musée de Kerjean en Finistère et celle du tout nouveau musée maritime Océanopolis de Brest.

1992 : après 17 années de celtitude, il revient en Bourgogne avec son épouse vivre à bord de leur péniche Ars Europa, et consacre quelques années à la rédaction d’un «Dictionnaire Marinier Illustré ». Sous l’influence des eaux dormantes et des vins locaux sa production chute notablement : une courte dizaine de dessins et une expo l’an au plus, dans une ferme au vert, un bistro de port, un bateau ami, un donjon inaccessible…

La cinquantaine passée, il vend son bateau et met sac à terre à la frontière des vignobles chalonnais et beaunois, dans une nouvelle maison semi-ruinée qu’il restaure patiemment et orne d’un jardin d’herbes circulaire et d’un verger de petits fruits. Son œuvre graphique devient aléatoire et confidentielle, et quelques amateurs fidèles éclairés à la même chandelle que l’artiste se la disputent âprement…

 

Fiche technique

Outils: plume acier, pointe tubulaire Rotring 0.10mm, plume du peintre, scotch repositionnable.

Papier: blanc pur, grain fin à moyen, grain 250g à 400g (Schoellershammer, Canson, Vinci).

Pour l’impression, Centaure 250gr blanc, ivoire ou naturel.

Encre: …de Chine, marque Rotring.

Processus

1- Trouver l’Idée. Mes dessins sont écriture, la notion d’esthétique ou de décoration en est bannie. Trouver l’Idée peut durer des années, ou quelques secondes. On peut trouver l’Idée, et mettre des années à lui donner des contours. On croit parfois l’avoir trouvée, et après plusieurs essais, s’avouer que c’était une idée creuse.

2- Cadrer l’Idée. Visualiser l’image, y loger les éléments, y cacher des gags ou des facteurs dramatiques, ébaucher l’histoire… dans la tête bien sûr !

2b-Cadrer le support. Définir et masquer les marges. Aucun marquage crayon, le gommage altère le support, qui va supporter les bras, les doigts, l’haleine, la sueur de l’artiste  pendant au moins un mois. Placer un buvard sous la main qui dessine.

3- Placer les jalons. Esquisser au Rotring les contours des éléments majeurs, un peu partout dans le cadre défini, en restant très discret.

4- Définir la lumière. À gauche, à droite, en haut, en bas, devant, derrière, crue, diffuse, centrée, décalée, multidirectionnelle…

5- Détailler. Approfondir les détails, insérer un élément amusant, allusif, dramatique, une scène d’arrière-plan incongrue ou décalée, voire impossible.

6- Contraster, donner du noir. Croiser les hachures, couche après couche, pour donner du relief. Ne jamais déposer plus de trois couches à la suite, sous peine de fragilisation du papier qui peut être déchiré par la pointe (toujours 0.1mm de diamètre)..

7- Sauvegarder les blancs. Le blanc est une absence de couleur. C’est une infinité de traits noirs qui donne les gris clairs, moyens, foncés. Il ne doit jamais être détouré. Un fil électrique dans un tunnel c’est l’arrêt au vingtième de millimètre de quelques centaines de hachures plus ou moins longues : si une hachure est trop longue, elle coupe le fil, le courant ne passe plus. Dommage! Un fourré de lianes inextricables, c’est plusieurs plans superposés, de la liane qui est devant à celle qui est au cœur du fourré, de plus en plus sombre, jusqu’au « presque-noir ». Si c’est un fourré de ronces, çà se complique, il y a des épines.

8- Survol et pointillé. Pour rendre le grain d’une joue ou d’un sein de jeune fille, la pointe effleure rapidement le grain du papier, provoquant une sorte de pointillé. Plus le mouvement est rapide, plus le point est fin. Si la pointe griffe le papier, elle provoque une porosité et, à la passe suivante, un trait épais et irrégulier, une estafilade sur la chair. Poubelle.

9- Nuages. Même technique que ci-dessus. Survol moins contrôlé. Souvent, c’est le papier qui donne les différents contours, qu’on peut ensuite renforcer. C’est très gratifiant et pas trop difficile. Par contre, dans les ciels tourmentés, bien respecter la règle des trois couches au plus. Le « presque-noir » d’un soir d’orage, c’est vingt à trente couches croisées. Plus il y en a, plus les temps de séchage entre couches augmentent. Si l’on va trop loin, la couche d’apprêt du papier s’arrache. Poubelle.

10- Repentirs. Impossibles en dessin à l’encre. Poubelle.

11- Ratages. Au bout d’une semaine ou deux, on s’aperçoit qu’on fait fausse route. On continue une semaine, on essaie de sauver les meubles. Finalement on le brade, ou on l’offre à quelqu’un qu’on aime moyennement. Mieux vaut Poubelle.

12- Savoir s’arrêter. À un certain moment, il faut savoir s’arrêter : le papier est devenu trop fragile, le risque de déchirement et de tache est trop grand. On aurait bien aimé aller plus loin, vers le Noir.

13- Encadrement. Jonc noir minimal, verre ni dépoli, ni anti-reflet. Ça casse le contraste, en admettant qu’on y soit parvenu. Le tableau est toujours vendu avec son cadre d’exposition, quel qu’en soit l’état après plusieurs expos.

14- Reproductions. Une quarantaine de repros sur Centaure ivoire ou blanc, de divers formats, ont été tirées sur offset par l’Imprimerie de Bretagne à Morlaix et par JYB Repro au Creusot, contresignées et numérotées en marge, à 100, 120 ou 130 exemplaires. Les plaques ont été détruites, rayées ou vernies après tirage.

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